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Prestigieux subside du FNS pour un projet de datation des œuvres d’art à la HEIA-FR

Recherche Publié le 24.04.2024. Mis à jour le 24.04.2024.

Laura Hendriks, adjointe scientifique au sein de la filière de chimie à la Haute école d'ingénierie et d'architecture de Fribourg – HEIA‑FR, est la seule chercheuse d'une haute école spécialisée à avoir obtenu un des subsides Ambizione 2024 du Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS). Doté d'un montant de CHF 900'000 sur quatre ans, il lui permettra de mener un projet de recherche sur la datation des œuvres d’art. Interview.

 

Laura Hendriks (à gauche) dirigera le projet auquel participera le doctorant Lionel Rumpf (à droite). © HEIA-FR

En quoi consiste l'originalité de votre recherche dans la datation au carbone 14? Qu'est-ce qui a séduit le FNS?

Ce projet se distingue par le fait qu'il cible les composés responsables de la couleur de l'objet. Omniprésents dans les objets du patrimoine culturel, les colorants organiques se retrouvent dans une large gamme de substrats, couvrant différentes périodes depuis 5000 av. J.-C. jusqu'à aujourd'hui, et sont directement liés à la création de l'objet. Avec un accent sur les colorants organiques naturels, le premier objectif de ce projet est le développement de nouvelles métriques pour évaluer à la fois l'âge et la provenance d'une œuvre d'art. L'objectif global est de répondre au niveau de complexité des objets patrimoniaux par le développement d'analyses isotopiques spécifiques aux composés et adaptées aux besoins des sciences du patrimoine.

Pourquoi vous intéressez-vous précisément aux œuvres d'art? Est-ce d'abord pour le challenge scientifique ou plutôt par intérêt du patrimoine culturel?

Je pense que cela a commencé comme un défi scientifique. Maintenant, j'aime penser que l'art et la science ne sont pas deux côtés d'une même pièce de monnaie, mais travaillent ensemble pour créer cette pièce. Mon travail a influencé ma façon de voir l'art. En tant que chimiste sans formation artistique ni antécédents en art, j'entrais dans les musées avec des yeux plutôt naïfs. Maintenant, ma première pensée est de me demander où pourrais-je prendre un échantillon. C'est une vision biaisée mais professionnelle. Je réalise aussi que je suis capable de prendre du recul et de regarder les choses de manière bien plus éclairée. J'aime me rappeler les mots d'un confrère, Narayan Khandekar, directeur du Straus Center for Conservation and Technical Studies des Harvard Art Museums, qui disait: «Comprendre, c'est cela apprécier l'art.»

Quelles sont les applications pratiques d'une meilleure datation d'une œuvre d'art? Pour sa conservation? Pour sa restauration? 

La détection de faux est le premier exemple évident. La datation au carbone 14 peut aider de nombreuses approches technologiques de l'art, que ce soit dans l'identification des verifalsi, œuvres créées par l'artiste mais délibérément prédatées, la vérification de la contemporanéité de différentes parties, le discernement entre le travail original et les ajouts ultérieurs à une œuvre d'art, l'exploration de la transition dans l'utilisation des colorants organiques dans la production d'objets du XIXe siècle où les colorants naturels ont été remplacés par des colorants synthétiques dérivés de la chimie pétrolière, ou simplement confirmer une attribution artistique. Les résultats pourront être mis en contexte dans les collections de musées et ainsi susciter l'intérêt au-delà de la contribution scientifique et déclencher des discussions avec des expert·es en art, des historien·nes de l'art, des conservateur·trices et le grand public.

En collaboration avec d'autres disciplines impliquées dans les sciences du patrimoine, la méthodologie proposée offrira une compréhension plus approfondie de la technologie de fabrication, des routes commerciales et des transactions commerciales qui ont pu permettre l'utilisation de certains colorants loin de leurs lieux d'origine. Les informations fournies peuvent également aider les conservateur·trices dans leur prise de décision d'achat et d'acquisition d'objets dans les collections de musées. De plus, cela peut contribuer à améliorer les stratégies de conservation, où l'âge respectif des colorants et des produits de dégradation révélera l'influence du temps, améliorant notre compréhension de la préservation de notre patrimoine culturel.

Vous êtes la seule chercheuse à travailler dans une HES parmi les 97 bénéficiaires «Ambizione» en 2024. En tirez-vous une fierté particulière? Pour l'image des HES et de la HEIA-FR?

Il existe une croyance selon laquelle, si vous travaillez pour une haute école spécialisée plutôt que pour une haute école universitaire, vos chances de succès sont beaucoup plus faibles d'obtenir ce subside, bien que les directives du FNS indiquent que toutes les institutions de recherche financées par des fonds publics en Suisse soient éligibles. Je suis la première lauréate Ambizione à la HES-SO, donc oui, il y a de quoi être fière et j'espère également inspirer et encourager d'autres chercheur·euses à continuer leurs efforts pour postuler aux subventions du FNS et choisir leur institut d'accueil selon les besoins de leur projet et non sur une «croyance». Soyez passionné·e par votre travail, persévérez et avec patience vous aurez toutes les cartes pour réussir, croyez en vous et en votre projet.