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La recherche appliquée s'intéresse aux réseaux de soins

Publié le 20.09.2023. Mis à jour le 21.09.2023.

Les réseaux de soins rapprochent patient·es et prestataires dans un souci d’efficacité et d’économicité. Les professeures Valérie Santschi (La Source) et Caryn Mathy (HEIG-VD) y ont consacré un atelier lors de la Journée de la recherche du domaine Economie et Services, le 6 septembre 2023 à la HEIG-VD à Yverdon-les-Bains.

Portrait des professeures Valérie Santschi et Caryn Mathy

Valérie Santschi (La Source) et Caryn Mathy (HEIG-VD) ont animé un atelier consacré aux réseaux de soins lors la Journée de la recherche du domaine Economie et Services.

Quelles sont les approches « sanitaire » et « économique » des réseaux de soins ? 

Valérie Santschi L’objectif des réseaux de soins est de favoriser l’accès, la coordination et la continuité des soins pour améliorer la prise en charge et la vie des patient⋅es. Les réseaux de soins réunissent tant les professionnel·les de la santé, médecins, pharmacien·nes, infirmier·ères que les structures, soins à domicile, hôpitaux, ainsi que les assureurs maladie. Le fonctionnement des réseaux de soins engage les partenaires à travailler de manière interprofessionnelle et coordonnée pour garantir la trajectoire la plus efficace possible des patient⋅es ainsi qu’une meilleure qualité et une meilleure économicité (en évitant les examens à double par exemple).

Caryn Mathy En sciences économiques, la question traditionnelle est de savoir si on laisse le marché s’autogérer – et les patient⋅es se débrouiller au milieu des différents acteurs du marché des soins, ici des prestataires de soins, comme des client·es dans n’importe quel marché – ou, inversement, si on intervient, en les guidant, voire en les contraignant dans leurs choix entre les différents prestataires. Cependant, on sait bien que ces solutions extrêmes fonctionnent mal et des théories alternatives mettent en avant d’autres solutions. Les réseaux de soins représentent une position médiane : les prestataires restent indépendants mais ils sont coordonnés pour que le parcours soit optimisé. Une alternative aux réseaux, c’est de créer l’intégration des soins dans une seule et même structure, comme un pôle de santé, où un seul prestataire assure l’ensemble de l’offre.

Comment se décide la mise en place d’un réseau de soins ?

C.M. C’est une décision politique. En Suisse, il y a une loi fédérale « d’assurance et de prestations » qui précise les conditions de financement des prestataires ; les cantons, eux, organisent l’offre de soins et donc les prestataires. L’expérience montre cependant que l’organisation du parcours de soins des patient·es n’est pas optimale si elle est laissée aux jugements des seuls prestataires. Il faut que les patient⋅es s’impliquent, mais ils·elles n’ont pas toutes les connaissances nécessaires pour juger de ce dont ils·elles ont besoin, opération ou rééducation par exemple. On appelle cela l’« asymétrie d’information ». Pour pallier ce double phénomène, les cantons testent donc des solutions pour permettre une meilleure implication des patient⋅es via diverses actions d’information ou par la mise en place d’institutions qui les guident dans leur parcours, grâce à des réseaux de soins ou des pôles de santé notamment.

V.S. En effet, les patient⋅es veulent être acteurs et actrices de leur santé. Les patient⋅es s’informent et cherchent à obtenir des réponses précises à leurs questions. L’enjeu consiste donc à fournir des informations pour leur permettre de librement faire leur choix. On parle aussi ici de coproduction, où l’avis des patient⋅es est réellement écouté et pris en compte dans une décision, par exemple dans le maintien à domicile ou le placement en EMS. 

Comment la recherche des domaines Economie et Services ainsi que Santé aborde-t-elle les thématiques des réseaux de soins ou des soins intégrés ? 

V.S. Nous travaillons sur les thématiques de réseaux de soins ou de soins intégrés depuis plusieurs années. Nous avons ainsi mené avec des partenaires nationaux et internationaux l’étude TBC-HTA, une étude randomisée contrôlée, financée par des organismes subventionnaires réunissant des médecins, pharmacien·nes et infirmier⋅ères en milieu ambulatoire pour évaluer si une telle prise en charge interprofessionnelle améliore le contrôle de l’hypertension auprès de patient⋅es hypertendu·es. Les résultats sont probants et, les patient⋅es ont apprécié être pris en pris en charge par plusieurs professionnel·les de santé. 

C.M. Avec quatre autres partenaires, nous travaillons notamment sur un projet (SCIROCCO-POL), financé par Innosuisse, consistant à mesurer les performances des trois pôles santé du canton de Vaud. Nous avons adapté un outil permettant de juger de la maturité des soins intégrés pour voir si cela peut les aider à mieux gérer et piloter l’intégration des soins qu’ils réalisent grâce au diagnostic réalisé avec SCIROCCO-POL.  

Quels sont les principaux défis du système suisse de santé dans les années à venir et comment la recherche HES peut-elle contribuer à les relever ?

V.S. Assurément le vieillissement de la population entraînant des problèmes de santé chroniques et complexes avec un accroissement de la prévalence des maladies chroniques. Se pose également la question du maintien à domicile. A ceci s’ajoute la crise des soins avec une surcharge de travail et une pénurie de professionnel⋅les de santé. S’attaquer à ces grands défis nécessite d’impliquer l’ensemble des partenaires, politiques, patient·es, professionnel⋅les des soins, ainsi que la recherche des disciplines de l’économie et de la santé notamment. 

C.M. La situation n’est plus la même qu’il y a 50 ans. L’allongement de l’espérance de vie, les nouveaux traitements et la chronicité des maladies sont un vrai défi pour le système de santé car il est triplement sollicité. De l’autre côté, le mode de vie a changé. Autrefois, les personnes âgées étaient prises en charge par la famille, aujourd’hui, celle-ci se disperse et tous les membres de la famille travaillent. Par ailleurs, les professionnel⋅les de la santé aspirent à davantage de vie privée et au respect d’un temps de travail acceptable. Tout cela génère d’importants besoins d’un côté et des ressources - donc des coûts - de l’autre, ce qui pose la question de la durabilité du système si on ne le réorganise pas. Le défi, c’est de faire comprendre qu’il faut changer notre manière de faire en impliquant tous les partenaires. Mais développer des projets plus complexes car coordonnés pose des questions d’organisation, de temps et d’argent, car historiquement la coordination n’est pas valorisée. Cela implique notamment de redistribuer l’argent différemment, entre les prestataires et les tâches réalisées ce qui nécessite pragmatisme et maturité politique. Nos projets interdisciplinaires visent à voir comment faire autrement pour mieux faire, en coordonnant et en coproduisant avec les patient·es.