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«L'inaction en matière climatique a aussi un coût»

Interview Publié le 05.06.2023. Mis à jour le 12.07.2023.

La loi sur le climat et l’innovation est soumise en votation populaire le 18 juin 2023. Florent Joerin, professeur ordinaire à la HEIG-VD en aide à la décision territoriale, directeur de l’institut d’ingénierie du territoire, spécialiste des démarches participatives, s’exprime sur cet objet.

Florent Joerin, professeur ordinaire à la HEIG-VD en aide à la décision territoriale, directeur de l’institut d’ingénierie du territoire.

Florent Joerin, professeur ordinaire à la HEIG-VD en aide à la décision territoriale, directeur de l’institut d’ingénierie du territoire.

Est-il nécessaire d'avoir une loi pour atteindre les objectifs climatiques ? Cette loi est-elle suffisamment contraignante pour y arriver ?
Même si de plus en plus de villes ou cantons s’engagent activement dans la mise en œuvre de plans climat, les objectifs, même intermédiaires, ne sont clairement pas atteints. Le rythme des rénovations des bâtiments est environ trois fois plus petit qu’espéré. Le parc automobile produit moins de CO2 par km, mais le nombre de km parcourus continue d’augmenter et au total, les émissions de CO2 ne se réduisent que peu ou pas. Dans l’ensemble, nous sommes mal partis pour parvenir à limiter le réchauffement climatique à +2 degrés. 
Je doute donc que la loi CO2 soit suffisamment contraignante, mais c’est malgré tout le meilleur compromis politique qui peut être construit en Suisse, aujourd’hui. Et très souvent, dans les démarches participatives, nous observons que pour certains la voie législative est préférée à d’autres approches, notamment incitatives, parce qu’une loi s’applique à tous.

Les consommateurs ne risquent-ils pas de voir leur facture s'envoler ?
Plusieurs études économiques, notamment récentes, sont plutôt rassurantes à ce sujet. Cela dit, il est faux de croire que si la loi n’est pas adoptée les consommateurs feront des économies. Car l’inaction a aussi un coût et les économistes du climat ont démontré que le coût de l’inaction est encore plus élevé. Il faut donc mettre dans l’équation les coûts des impacts du changement climatique. Ce dernier produit sur le territoire plus d’inondations, de dangers naturels, d’incendies, ou d’impacts sur le système de santé. Il fragilise l’économie agricole ou forestière, mais aussi industrielle, par des défauts d’approvisionnement provoqués par des évènements climatiques impactant d’autres pays. Plus le changement climatique sera sévère, plus les consommateurs seront impactés. 

Est-ce réaliste de remplacer les énergies fossiles par des énergies renouvelables ? 
Oui, ou non, cela dépend de comment on comprend la question. S’il s’agit de remplacer toute l’énergie fossile actuellement consommée, par la même quantité d’énergie, mais de sources renouvelables, alors je crois que non, ce n’est pas possible. Autrement dit, cela ne devient possible que si l’on réduit notre consommation énergétique. A la HEIG-VD, nous avons placé la journée de recherche innovation 2022 sous la formule « Faire mieux avec moins » et plusieurs projets, dans le monde du numérique par exemple, ont montré qu’il est possible de réduire les consommations d’énergies de manière pratiquement invisible pour le consommateur. Autre exemple, les voitures électriques produisent beaucoup moins de CO2, on le sait, mais si elles sont, en plus, moins lourdes, elles consomment alors aussi beaucoup moins d’énergie.

Spécialiste des démarches participatives, Florent Joerin a mené avec son équipe plusieurs recherches appliquées pour des cantons ou communes qui souhaitent réaliser leur plan climat de manière participative. Dans ce contexte, il dialogue régulièrement des enjeux climatiques avec des élus, des experts ou des citoyens ce qui lui a permis de se faire un idée assez complète de l’état du débat sur les changements climatiques en Suisse, Suisse romande en particulier.