Intégrer les perspectives de sexe et de genre dans la recherche et l'innovation
Depuis les années 2010, les principaux bailleurs de fonds de la recherche scientifique ont commencé à mettre l’accent sur la nécessité de s’intéresser aux questions de sexe et de genre dans toutes les disciplines scientifiques pour gagner en pertinence pour l’ensemble de la société et renforcer l’innovation. Des changements forts au niveau des politiques de soutien à la recherche et à l’innovation ont ainsi eu lieu. Depuis les années 2020, un élargissement des questions de sexe et de genre pour intégrer d’autres facteurs d’inégalités (handicap, race, classe, âge, orientation sexuelle, etc.) s’est opéré pour une meilleure prise en compte de la diversité dans des approches intersectionnelles. De manière similaire, les principaux éditeurs scientifiques (Nature, Elsevier, etc.) ont revu leurs directives pour l’évaluation des articles scientifiques par les pairs en intégrant les dimensions du sexe et du genre comme critères d’évaluation.
En 2011, la Commission européenne a mis sur pied un groupe d’expert·es Innovation Through Gender qui a publié deux importants rapports intitulés Gendered Innovations en 2013 et en 2020. Ils montrent à travers des exemples concrets que, lorsqu’elle est pertinente, la prise en compte du sexe et du genre offre de nouvelles perspectives, de nouvelles questions et ouvre de nouveaux champs de recherche. Ils questionnent aussi certaines pratiques de recherche qui tirent des conclusions générales à partir d’expériences réalisées sur des sujets considérés comme représentatifs de l’ensemble de la population qui se sont, en fait, révélés être uniquement des hommes, sans que cela ne soit d’ailleurs spécifié à aucun moment.
Ces constats ne concernent pas uniquement la recherche médicale (où le dysmorphisme sexuel est évident, même s’il n’a souvent pas été pris en compte) ou les sciences humaines et sociales, mais bien toutes les disciplines et par conséquent tous les domaines représentés au sein de la HES-SO. Au vu de ces différents enjeux, le Dicastère Recherche et Innovation a lancé au printemps un appel à projets stratégiques sur le thème "Gendered Innovation : intégrer les perspectives de sexe et de genre dans la recherche et l’innovation". Après les deux étapes de sélection qui ont vu 32 requêtes soumises puis 19 retenues en seconde phase, ce sont au final neuf projets qui seront financés pour un montant total de CHF 695'000.-.
Une large variété de thématiques explorées
Un projet du domaine Design et Arts visuels vise à explorer et à rassembler le répertoire riche et pourtant largement délaissé des conversations d’artistes femmes, réalisé dans la phase pionnière des arts et de l’histoire de l’art féministes. Parallèlement, il s’attèlera à produire une méthode de transmission orale dans le contexte d’une histoire inclusive de l’art contemporain.
Trois projets seront menés au sein du domaine Economie et Services. Le premier porte sur la cyber-victimisation des personnes LGBTIQ+ en Suisse avec l'objectif de reconnaître et comprendre les différentes expériences de ces personnes, afin d’apporter de meilleurs éléments de compréhension de la situation et aider à la reconnaissance et au développement des outils de mesure et d’évaluation adaptés. Le deuxième s’intéresse à intégrer la perspective genre et le point de vue situé des visiteurs et visiteuses dans la compréhension, l’organisation et l’orientation des flux touristiques dans les espaces naturels. Enfin, le troisième portera sur la couverture médiatique des cas de violence basée sur le genre, en utilisant l’intelligence artificielle pour identifier les stéréotypes et les préjugés propagés.
Dans le domaine Ingénierie et Architecture sera mené un projet qui vise à développer un dispositif optique reposant sur l’oxymétrie et permettant d’améliorer les résultats de la chirurgie de résection des cellules tumorales du cancer de l’ovaire.
Deux projets ont été sélectionnés dans le domaine Santé. L’un s’intéressera aux différences de genre dans l’évaluation et le traitement de la douleur au tri aux urgences, tant selon le genre du patient ou de la patiente que du genre du soignant ou de la soignant. L’autre étude portera sur une mobilisation emblématique pour l’égalité salariale portée conjointement dans les années 1990 à Zurich par des infirmières, ergothérapeutes, physiothérapeutes et enseignantes en soins infirmiers, leurs associations professionnelles et des syndicats. Ce projet vise à alimenter les réflexions actuelles sur les luttes pour la reconnaissance des professions féminisées de santé en intégrant une perspective de genre.
Enfin, le domaine Travail social a également vu deux de ses projets financés. Le but du premier est de produire des connaissances sur le rapport genré à l’argent de manière à promouvoir une offre de travail social financier plus inclusive. Le deuxième, consacré aux femmes sans-abris, cherchera à comprendre les réalités et besoins spécifiques des femmes en situation de précarité résidentielle dans deux cantons romands (Fribourg et Vaud), de manière à identifier des pistes d’accompagnement innovantes qui soient plus adaptées à leurs besoins.