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Initiative de «limitation»: position des hautes écoles et des étudiant·es

Publié le 19.08.2020. Mis à jour le 05.05.2021.

Les hautes écoles romandes et les étudiant·es recommandent le rejet de l’initiative de «limitation». Le texte manifeste, reproduit ci-dessous est paru dans le quotidien Le Temps, le 19 août 2020.

 Le Conseil des EPF, swissuniversities, le Fonds national suisse, Innosuisse – Agence suisse pour l’encouragement de l’innovation et les Académies suisses des sciences rejettent également l’initiative de limitation. Ils ont organisé un point de presse commun jeudi 27 août 2020 à Berne afin de faire part de leur position sur cette initiative et sur l’importance de la coopération européenne en matière de recherche. Lire le communiqué de presse 


L’initiative dite de «limitation», qui sera soumise au peuple le 27 septembre prochain, exige du Conseil fédéral qu’il mette fin à l’Accord sur la libre circulation des personnes avec l’Union européenne (UE). Un oui à cette initiative signifierait la fin de l’actuelle voie bilatérale de la Suisse avec l’UE et menacerait, entre autres, deux accords bilatéraux essentiels pour les hautes écoles suisses. Deux accords dont les bénéfices pour l’ensemble de la population suisse sont directs et mesurables: celui sur la libre circulation et celui sur la recherche.

Ce vote est un vote sur l’avenir. Quels outils voulons-nous donner aux jeunes qui le construisent aujourd’hui? Grâce à la libre-circulation, et au transfert de compétences qu’elle favorise, les jeunes Suisses

et Suissesses ont la chance de pouvoir se former auprès de talents venus du monde entier, et en particulier de l’Europe. Étudiantes, étudiants, chercheurs et chercheuses peuvent aussi, grâce à la participation aux programmes de recherche européens, accéder librement aux innovations, aux idées et aux travaux scientifiques du continent pour répondre aux enjeux auxquels nos sociétés font face. Seule la participation à des équipes pluridisciplinaires et

internationales permet d’apporter des solutions novatrices et efficaces aux problèmes globaux, qu’il s’agisse de développer un vaccin, de relever les défis du numérique ou du développement

durable. C’est une question de masse critique et de compétences.

En raison de sa proximité, l’Europe est le partenaire qui génère les retombées les plus directes pour l’économie suisse. Dans le domaine de la formation, de la recherche et de l’innovation, c’est aussi l’Europe qui, du point de vue culturel comme géographique, est notre partenaire naturel. Près de 50% des partenariats des groupes de recherche suisses sont établis avec l’Europe. Les programmes-cadres de recherche européens sont la deuxième source de financement

public pour les chercheurs et chercheuses en Suisse et la plus importante source de financement public pour la recherche dans les PME suisses.

L’appartenance de la Suisse à l’espace scientifique européen est par conséquent essentielle pour les hautes écoles, mais aussi pour le bien-être de la population et du pays. En Suisse, un emploi créé sur cinq l’est dans le domaine spécialisé et scientifique. Le succès des pôles d’innovation qui se développent autour des hautes écoles a un impact direct sur l’économie et il se répercute aussi sur la qualité de vie en Suisse, mesurée notamment en termes d’éducation,

de santé et de mobilité. Enfin, une économie forte est aussi garante de la pérennité de l’État social et constitue le socle indispensable au développement d’une société plus durable, plus sociale et plus égalitaire.

Le programme européen est le programme d’encouragement de la recherche et de l’innovation le plus important et le plus complet au monde. Il est à la fois source de compétition et de collaboration. Suite à l’acceptation de l’initiative «contre l’immigration de masse» en

2014, la décision de la Suisse de ne pas étendre la libre circulation des personnes à la Croatie a provoqué l’exclusion des hautes écoles suisses des programmes de recherche européens et d’Erasmus +. Cette exclusion a causé un dommage à long-terme: les chercheurs et chercheuses suisses ont perdu la possibilité de participer à des projets d’envergure et de les coordonner. Elle s’est également soldée, depuis 2014, par une perte de quelque 734 millions de francs de fonds d’encouragement de l’UE. Depuis lors, la Suisse ne participe plus que de façon indirecte à Erasmus+, pénalisant les étudiantes et étudiants qui n’ont plus accès à certaines universités ni aux récents développements du programme.

 L’avenir scientifique de la Suisse, un pays de quelque 41 285 km² situé au centre du continent européen, est étroitement lié au futur de l’Europe scientifique. Les accords bilatéraux sur la libre-circulation et la recherche garantissent la meilleure participation possible de la

Suisse aux programmes européens. Pour ne pas affaiblir l’Europe scientifique, pour renforcer la Suisse, nous recommandons de refuser l’initiative dite de «limitation».

Francesco Bee, coprésident de l’Union des étudiant·es de Suisse (UNES)

Astrid Epiney, rectrice de l’Université de Fribourg (UNIFR)

Yves Flückiger, recteur de l’Université de Genève (UNIGE)

Nouria Hernandez, rectrice de l’Université de Lausanne (UNIL)

Kilian Stoffel, recteur de l’Université de Neuchâtel (UNINE)

Luciana Vaccaro, rectrice de la Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO)

Martin Vetterli, président de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL)

Texte publié le 19 août 2020 dans Le Temps.