La HES-SO a organisé les Journées scientifiques transdisciplinaires sur les technologies appropriées pour un développement durable global, les 22 et 23 mai 2025 à la HEG-FR (Fribourg) / en ligne.
En bref
Les Journées scientifiques sur les technologies appropriées pour un développement durable global, organisées les 22 et 23 mai 2025 à la Haute école de gestion de Fribourg et en ligne, ont réuni plus de 100 participant·es, représentant diverses disciplines, institutions et pays. Pendant deux jours, l’événement a combiné conférences plénières, tables rondes thématiques, marketplace, et de nombreux moments d’échanges informels.
L’objectif principal était d’ouvrir un espace de réflexion collective sur l’évolution des collaborations de recherche Nord-Sud, en s’appuyant sur les expériences du programme E&TA (Entrepreneuriat et Technologies Appropriées pour le développement durable). Les discussions ont mis en évidence la valeur du réseau tissé au fil des deux mandats successifs du programme, caractérisé par une diversité disciplinaire et géographique.
Les échanges ont également permis d’identifier certains défis récurrents: déséquilibre au niveau de la gouvernance, projets parfois déconnectés des réalités et nécessités du terrain, lourdeur administrative, forte rotation des répondant·es au Sud, et difficulté à passer de la recherche à la mise en œuvre, par manque de financements ou de partenaires adaptés.
Les intervenant·es ont souligné l’importance de penser la recherche comme un bien commun, impliquant une gouvernance collaborative et agile, fondée sur la confiance, la flexibilité et l’adaptation aux contextes locaux. Cette approche implique un changement de paradigme: il ne s’agit plus pour le Nord de penser les technologies "pour" le Sud, mais de mettre en commun les connaissances et le savoir-faire au service de besoins identifiés localement, intégrant dès le départ les dimensions sociales, environnementales et culturelles. Ce changement de posture suppose des équipes transdisciplinaires, un véritable dialogue interculturel et une capacité à se décentrer, à interroger ses propres référentiels avec humilité, solidarité et réflexivité.
Des exemples concrets de recherche-action ont montré des dynamiques différentes du modèle conventionnel de transfert Nord-Sud: pas de planning rigide, ni de transfert unilatéral, mais une participation active des communautés locales, et des interactions sur un pied d’égalité entre étudiant·es, practicien·nes et chercheur·euses. Le résultat est une évolution rapide du projet, des solutions adaptées et optimisées et un enrichissement mutuel.
Dans cette optique, plusieurs voix ont plaidé pour des modèles incluant davantage les acteur·ices non académiques, tels que les ONG locales qui font le lien avec la société civile et le secteur privé. Leur contribution peut largement aider à garantir la pertinence, l’appropriation et la durabilité des projets. Chaque partie prenante devrait être impliquée dès la conception du projet, afin de co-construire les objectifs, l’agenda et les responsabilités, dans une logique de partenariat durable, de partage équitable des savoirs et de reconnaissance mutuelle.
L’intégration des étudiant·es dans ces dynamiques est apparue comme un levier stratégique, tant pour l’ancrage local des projets que pour la formation des futur·es professionnel·les. Leur participation active – sur le terrain comme en Suisse – permet de construire une compréhension partagée des enjeux et de faire évoluer les curricula des deux côtés, dans une perspective d’ouverture, d’innovation pédagogique et de co-apprentissage.
La notion de "technologie régénérative" a été introduite, soulignant l’importance de mesurer l’impact social et environnemental des projets, plutôt que leur seule rentabilité économique ou valeur scientifique. Ainsi les organes de financements ont un rôle clé à jouer en redéfinissant les critères de l'excellence de la recherche pour y inclure notamment l'impact sociétal et en revoyant leurs exigences quant aux dépôts de brevets qui peuvent entraver le partage des technologies et des savoirs.
Un autre enjeu majeur évoqué est l’accompagnement des chercheur·euses au-delà de la phase de recherche, vers le transfert de technologie, afin de transformer les prototypes en projets entrepreneuriaux durables. Cela suppose une meilleure intégration dans les écosystèmes locaux d’innovation, via des réseaux, des incubateurs ou des entreprises sociales. Pour cela, il est crucial de renforcer les passerelles entre recherche, formation, politiques publiques et secteur privé dès les premières étapes du projet.
Enfin, les discussions ont réaffirmé l’importance de la réciprocité des échanges. Le transfert de savoirs, soutenu notamment par l’Open Source, ne saurait être unidirectionnel. Face aux défis globaux du changement climatique ou de la raréfaction des ressources, il est essentiel de reconnaître et de valoriser les apports du Sud, qu’il s’agisse par exemple du développement de solutions robustes, adaptées aux contextes locaux, ou de pratiques en matière d’économie circulaire, qui ont tendance à s’effriter aujourd’hui sous nos latitudes. Ces approches offrent des perspectives précieuses pour repenser nos modèles de développement, y compris dans les pays du Nord.
En conclusion, les participant·es appellent à une recherche co-construite et transdisciplinaire, ancrée dans le réel et au bénéfice de la société. Trois priorités ressortent: décloisonner les financements et les savoirs, co-construire en créant des liens et des synergies entre pays, disciplines et acteur·ices des différentes phases d’un projet, et finalement s’engager pour une science au service du bien commun.
Ces réflexions collectives alimenteront la préparation du futur mandat du programme E&TA et contribueront à orienter les prochaines étapes vers une coopération scientifique plus équitable, pertinente et durable.
Galerie photos
Le programme
S’appuyant sur le programme éponyme de la HES-SO, qui a soutenu 22 projets dans 14 pays depuis 2016, cet événement a réuni chercheur·euses, praticien·nes et expert·es de Suisse et de pays partenaires pour explorer l'interface entre technologies appropriées, développement durable et coopération internationale.
À travers des tables rondes thématiques et des conférences plénières, ces journées ont eu pour objectif de renforcer la coopération bilatérale, d’identifier les défis actuels et futurs, et de favoriser des initiatives de recherche adaptées aux besoins locaux et aux enjeux globaux.
Les sessions thématiques
Bâtir des partenariats gagnants : Gouvernance et structuration
Comment concevoir des collaborations équilibrées et efficaces? Cette session a analysé les dynamiques de pouvoir, les mécanismes de financement, la mobilité des chercheur-euses et le rôle essentiel des partenaires non académiques (organisations internationales, services de coopération bilatérale, administrations nationales, entreprises, associations, fondations, collectivités locales, communautés habitantes). L'accent a été mis sur les défis liés à la mise en place et à l’initiation des projets dans le paysage actuel de la coopération internationale.
De la théorie à l’action : Déployer et piloter un projet en terrain complexe
De l’implantation au suivi, en passant par les défis imprévus: comment gérer les risques et assurer la pérennité d’un projet de recherche appliquée en contexte international? Retours d’expérience sur les stratégies d’adaptation, les mécanismes de contournement des obstacles, et les décisions parfois nécessaires de repli ou d’abandon.
Au-delà du prototypage : Défis du transfert de technologies
Comment transformer la recherche et l'innovation scientifique en solutions pratiques, tout en assurant leur adoption durable sur le terrain? Cette session a abordé les enjeux du transfert de technologies, en explorant les défis liés aux financements, aux barrières institutionnelles et réglementaires, ainsi qu’à l’adaptation des technologies aux contextes économiques, sociaux et environnementaux locaux.
Défis pédagogiques et formation par la recherche-action
Quels sont les enjeux liés à la coopération et à la mobilité internationales en matière de formation? Cette session a exploré notamment le rôle de la formation par la recherche-action, en particulier dans des environnements contraints où l’apprentissage se fait souvent sur le terrain et dans l’urgence. Un accent particulier a été mis sur la formation des jeunes chercheur·euses (master, doctorat, post-doctorat), ainsi que sur l’implication des partenaires locaux pour développer une culture scientifique partagée et adaptée aux réalités du terrain.
Programme détaillé
Dernière modification le 21.05.25