Modélisation de la pollution lumineuse à l’échelle nationale
Ingénierie et Architecture

La pollution lumineuse constitue un facteur anthropique de perturbation environnementale de plus en plus reconnu, tant pour ses impacts sur la santé humaine que pour ses effets délétères sur la biodiversité. Une majorité des espèces animales présente une activité majoritairement nocturne, les rendant particulièrement vulnérables à l’éclairage artificiel. Les conséquences sont donc multiples : altération des comportements, désynchronisation des cycles biologiques, entrave aux migrations, réduction des capacités de reproduction et, à terme, une remise en question de la viabilité des populations.
Ces constats soulignent la nécessité d’intégrer la gestion de l’éclairage nocturne dans les politiques de conservation de la biodiversité et de planification territoriale. Cela est notamment le cas dans la stratégie Biodiversité Suisse1 qui requiert que les cantons mettent en place une infrastructure écologique (IE) définissant un réseau d’habitats garantissant la viabilité des espèces à long terme.
Cette étude consiste en la modélisation de la pollution lumineuse, en deux étapes. La première est la détection des sources de lumière artificielle sur la base d’images satellites nocturnes SDGSAT-12. La seconde détermine l’impact de ces sources en prenant en compte les modèles tridimensionnels de surface intégrant la topographie et les éléments opaques du paysage (végétation, constructions) pour la faune sauvage cible3. Cette approche permet de localiser les surfaces impactées par la lumière artificielle en termes de perception par la faune sauvage et non simplement sur la base de l’intensité lumineuse perceptible.
Cette cartographie de la pollution lumineuse constitue une donnée fondamentale pour la planification des infrastructures écologiques aux échelles cantonale, nationale ou transfrontalière. Avec une couverture totale de la Suisse, ce modèle a notamment pour vocation d’être utilisé par les cantons et d’être croisé avec les autres éléments de leur infrastructure écologique afin de cibler les secteurs nécessitant une restauration ou une conservation prioritaire de l’obscurité, notamment au niveau des corridors écologiques. Des cantons pilotes tels que Genève, Fribourg ou le Valais ont ainsi pu travailler sur l’intégration de la dimension nocturne dans leur IE.
La mise en œuvre de stratégies visant à supprimer ou limiter les impacts de l’éclairage artificiel constitue l’ultime étape une fois la priorisation des secteurs effectuée. Parmi ces mesures figurent l’utilisation de sources lumineuses à faible intensité et à spectre réduit (inférieur à 3000 K), ainsi qu’une orientation ciblée des faisceaux lumineux pour éviter l’éclairage diffus. Parallèlement, la préservation de zones d’obscurité repose sur la création d’un réseau spatial continu non éclairé – le continuum nocturne – permettant le déplacement de la faune nocturne entre les habitats.