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Modélisation de la pollution lumineuse à l’échelle nationale

Ingénierie et Architecture

Répondant à la nécessité d’intégrer la gestion de l’éclairage dans les politiques de conservation de la biodiversité, cette étude fournit une cartographie de la pollution lumineuse à l'échelle suisse, permettant aux cantons d’identifier des zones clés pour la connectivité écologique nocturne.

Carte de la pollution lumineuse suisse (HEPIA / BAFU 2025).

La pollution lumineuse constitue un facteur anthropique de perturbation environnementale de plus en plus reconnu, tant pour ses impacts sur la santé humaine que pour ses effets délétères sur la biodiversité. Une majorité des espèces animales présente une activité majoritairement nocturne, les rendant particulièrement vulnérables à l’éclairage artificiel. Les conséquences sont donc multiples : altération des comportements, désynchronisation des cycles biologiques, entrave aux migrations, réduction des capacités de reproduction et, à terme, une remise en question de la viabilité des populations.

Ces constats soulignent la nécessité d’intégrer la gestion de l’éclairage nocturne dans les politiques de conservation de la biodiversité et de planification territoriale. Cela est notamment le cas dans la stratégie Biodiversité Suisse1 qui requiert que les cantons mettent en place une infrastructure écologique (IE) définissant un réseau d’habitats garantissant la viabilité des espèces à long terme.

Cette étude consiste en la modélisation de la pollution lumineuse, en deux étapes. La première est la détection des sources de lumière artificielle sur la base d’images satellites nocturnes SDGSAT-12. La seconde détermine l’impact de ces sources en prenant en compte les modèles tridimensionnels de surface intégrant la topographie et les éléments opaques du paysage (végétation, constructions) pour la faune sauvage cible3. Cette approche permet de localiser les surfaces impactées par la lumière artificielle en termes de perception par la faune sauvage et non simplement sur la base de l’intensité lumineuse perceptible.  

Cette cartographie de la pollution lumineuse constitue une donnée fondamentale pour la planification des infrastructures écologiques aux échelles cantonale, nationale ou transfrontalière. Avec une couverture totale de la Suisse, ce modèle a notamment pour vocation d’être utilisé par les cantons et d’être croisé avec les autres éléments de leur infrastructure écologique afin de cibler les secteurs nécessitant une restauration ou une conservation prioritaire de l’obscurité, notamment au niveau des corridors écologiques. Des cantons pilotes tels que Genève, Fribourg ou le Valais ont ainsi pu travailler sur l’intégration de la dimension nocturne dans leur IE.

La mise en œuvre de stratégies visant à supprimer ou limiter les impacts de l’éclairage artificiel constitue l’ultime étape une fois la priorisation des secteurs effectuée. Parmi ces mesures figurent l’utilisation de sources lumineuses à faible intensité et à spectre réduit (inférieur à 3000 K), ainsi qu’une orientation ciblée des faisceaux lumineux pour éviter l’éclairage diffus. Parallèlement, la préservation de zones d’obscurité repose sur la création d’un réseau spatial continu non éclairé – le continuum nocturne – permettant le déplacement de la faune nocturne entre les habitats.

Références :
1 Conseil fédéral (2012) : Stratégie Biodiversité Suisse du 25 avril 2012. 89 p
2 SDGSAT-1 Open Science Program : www.sdgsat.ac.cn
3 Jessica Ranzoni, Gregory Giuliani, Laurent Huber, Nicolas Ray (2019) : Modelling the nocturnal ecological continuum of the State of Geneva, Switzerland, based on high-resolution nighttime imagery, Remote Sensing Applications: Society and Environment, Volume 16, 2019, 100268, ISSN 2352-9385