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«Il faudrait davantage de transparence pour pouvoir estimer les rentes de vieillesse de manière simple et numérique»

Actualité HES-SO Publié le 26.08.2024. Mis à jour le 29.08.2024.

Professeure à la Haute école de gestion de Genève - HEG, Catherine Equey est spécialiste de la prévoyance professionnelle. Entre incertitudes des marchés financiers, manque de transparence des caisses de pension ou augmentation de l’espérance vie, elle évoque la situation du 2e pilier dans le cadre de la réforme de la LPP soumise en votation fédérale le 22 septembre 2024.

Catherine Equey regrette l’absence de progrès en matière de numérisation de certaines caisses de pension ces dernières années.

Catherine Equey regrette l’absence de progrès en matière de numérisation de certaines caisses de pension ces dernières années.

Selon vous, la réforme est-elle une réponse adéquate aux défis démographique et financiers de la prévoyance professionnelle?

De quels défis parlons-nous ? Oui, l'espérance de vie augmente et les marchés financiers connaissent de fortes variations difficiles à gérer pour les caisses de pension. Mais j’aimerais d’abord plus d’informations sur leur santé financière. A ma connaissance, les derniers chiffres fournis par l’OFS portent sur les comptes 2022. A cette date, après une période compliquée, en sortie de Covid, le découvert des caisses s'élevait à près de 40 milliards. La fortune ne couvrait donc plus le paiement des rentes. Néanmoins, les réserves étaient de plus de 65 milliards. Alors oui, les différentes mesures proposées par cette réforme de la LPP auront un impact, mais assez minime. Selon une étude présentée en mars 2023 au Conseil national et au Conseil des Etats, les économies s'élèvent à un peu plus de deux milliards par année, c’est clairement insuffisant si l’on se base sur les comptes 2022. Mais depuis, la Banque cantonale de Zurich, en 2023, et Avenir Suisse, cette année, ont successivement affirmé que les bases financières des caisses de pension étaient plus solides qu’en apparence. Le Conseil fédéral, dans le matériel de vote, parle lui de «caisses sous pression», sans donner plus d’informations. Enfin, tout récemment, Pierre-Yves Maillard a affirmé que les réserves des caisses étaient de plus de 150 milliards. Alors, avant de voter, nous devons obtenir des informations financières fiables sur la situation financière actuelle des caisses de pension afin de prendre une décision en toute connaissance de cause. J'aimerais qu'on me prouve qu'il y a vraiment un défi à relever.

L’un de vos projets de recherche consiste justement à permettre à une personne assurée d’estimer sa rente. De quoi s’agit-il?

Ce projet de recherche concerne les trois piliers de la prévoyance et a comme objectif de développer une plateforme numérique qui permette aux personnes assurées d'estimer leur rente en allant chercher les informations nécessaires dans les différents systèmes des caisses de compensation, des caisses de pension et des banques. Nous nous sommes toutefois aperçu que pour la majorité des caisses de pension, obtenir ses propres données est particulièrement compliqué. Un peu comme si vous n’aviez pas accès à votre e-banking et que vous ne receviez qu’un seul relevé de compte par année. Personne n'accepterait cela aujourd’hui. Je l’explique par l’absence de progrès notable en matière de numérisation de certaines caisses de pension ces dernières années, alors que leurs frais de gestion ont doublé en dix ans pour atteindre actuellement environ huit milliards de francs. Je pense qu’il devrait y avoir une base légale qui rende obligatoire la transmission de ces données et ceci de manière numérique. En ce qui nous concerne, nous avons déjà développé un prototype de plateforme basé sur des cas d’usage, des données fictives. En octobre, nous allons passer à un service opérationnel avec les données réelles de la caisse de pension de l'État de Genève pour un échantillon de personnes assurées. Parallèlement, l’OFAS développe une interface qui permet de récupérer les données du premier pilier.  

C’est donc plutôt sur le fonctionnement des caisses de pension qu’il faudrait se pencher?

Il faudrait davantage de transparence pour pouvoir estimer et simuler nos rentes et capitaux de vieillesse de manière simple et numérique. Je l’ai dit, les caisses de pension sont notamment en retard dans la numérisation de leurs activités. Une analyse de la Banque cantonale zurichoise dit d’ailleurs que leur efficacité et leur efficience ne sont pas suffisantes. Ensuite, les avoirs du 2e pilier représentent la plus grosse fortune de Suisse sous gestion. Si l’on ajoute le 1er pilier, c’est colossal ! C’est une activité lucrative pour les institutions financières à qui on ne demande aucun «sacrifice» dans le projet de réforme. Un contrôle accru de la gestion des caisses et de leurs frais de gestion par les autorités de tutelle doit être mis en place. Avec la réforme de la LPP, les personnes assurées et retraitées doivent faire des sacrifices, mais on ne cherche pas à savoir si les milliards de frais de gestion des caisses de pension sont dépensés correctement.

Sur quels éléments porte la réforme de la LPP ?

Le changement le plus important est la diminution du taux de conversion de 6,8 à 6%. CHF 100'000 d’épargne ne rapporteront plus qu’une rente de CHF 6’000 par année, contre CHF 6’800 auparavant. Le Conseil fédéral dit que cela sera compensé par un certain nombre d'autres mesures, notamment une part plus grande du salaire, l’assiette, sur lequel on va calculer les prélèvements. C’est vrai, mais ça signifie aussi davantage de prélèvements durant toute l’activité professionnelle. Ensuite, le seuil d'accès au 2e pilier pour les salaires en dessous de CHF 22'050 va baisser d’environ CHF 2'200. La rente des personnes concernées en sera améliorée, mais leur revenu disponible pendant la période d'activité va aussi diminuer. Autre changement, il n’y aura plus que deux taux de cotisation, contre quatre aujourd’hui. Ce qui signifie moins d'écart entre jeunes et vieux, ce qui est positif pour les personnes en fin de carrière. Le dernier changement, ce sont des mesures compensatoires pour la période de transition.