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L’accompagnement des endeuillé·e·s au sein de dispositifs professionnels d’aides et de soutiens

Travail social

Aurélie Masciulli Jung

En Suisse romande, il existe un bon nombre d’associations, d’institutions et d’indépendant·e·s qui proposent un accompagnement dans le deuil aux personnes endeuillé·e·s. Cet accompagnement recouvre des types de prestations diverses : soutien psychologique, organisationnel, financier, administratif et spirituel.  Les modalités de prises en charge sont généralement individuelles (ex : thérapie), collectives (ex : groupe de parole) et parfois familiales (ex : aide administrative). De plus, l’accessibilité à ces prestations joue un rôle important, que ce soit déjà par la connaissance ou non des structures proposant de l’aide (et le type d’aide), les coûts financiers ou les critères d’accessibilité. Effectivement, le vécu du deuil est principalement perçu comme intime, individuel, comme un travail à faire. Les premiers moments du deuil, dès le moment du décès jusqu’à plusieurs semaines après le deuil sont considérés comme un temps en famille, avec les proches. Ainsi, les offres d’accompagnement du deuil sont majoritairement proposées dans un deuxième temps, en relais au soutien familial et social de la personne endeuillé·e. Durant les premiers moments du deuil, les offres organisationnelles et administratives sont par contre plébiscitées, que ce soit par le biais des services des pompes funèbres (par l’organisation des cérémonies funéraires) ou d’associations offrant une prise en charge complète, partielle ou un soutien à l’ensemble des démarches administratives (annonce à l’état civil, résiliation de contrats, résiliation d’un bail à loyer, rapatriement d’un corps, etc.). De par leur proximité avec les personnes endeuillé·e·s durant cette période au moment de la transition vers le deuil, ces dispositifs proposent informellement une écoute et un soutien aux endeuillé·e·s, une sorte d’accompagnement parfois « déguisé » vers le deuil à travers des démarches organisations ou administratives.

Ensuite, d’autres associations ou institutions, mais aussi des indépendant·e·s, offrent des prestations plus formelles d’accompagnement durant le processus de deuil. Celles-ci sont proposées par des professionnel·le·s – très majoritairement des femmes – issu·e·s du champ médical, social et de la psychologie. Ces offres sont parfois conçues sur un mode de « parcours » avec un début et une fin de la prise en charge dans une temporalité balisée ou offrent à l’inverse une prise en charge « à la carte » et individuelle.

L’objectif de la recherche est, en premier lieu, de documenter les dispositifs existants d’accompagnement professionnel dans le deuil et leurs prestations (dans des institutions hospitalières, des associations, des entreprises de pompes funèbres ou par des indépendant·e·s). Il s’agit ensuite de décrire les pratiques et les discours des actrices et acteurs de ces prestations et de faire émerger les différents regards portés par les professionnel·le·s sur les proches dans la transition vers le deuil. Cette étude donne également aussi la parole aux proches, permettant d’éclairer ce paysage relationnel du deuil.

Le questionnement général, centré sur une approche socio-anthropologique du deuil, se formule de la manière suivante : quels sont les dispositifs existants avant – pendant – après la transition vers le deuil ? Quel(s) regard(s) les professionnel·le·s (agent·e·s de pompes funèbres, travailleurs et travailleuses sociales, soignant·e·s, accompagnatrices spirituelles, pasteurs, psychologues, doula de fin de vie, etc.) portent sur les proches dans cette transition ? Et inversement ou en complémentarité, comment certain·e·s proches vivent-elles ou ils la transition vers le deuil ? La problématique se donne ainsi à voir à différents niveaux : structurel (analyse des dispositifs institutionnels/associatifs/privés), pratiques professionnelles, individuel et familial. La dimension politique n’est pas non plus oubliée puisqu’actuellement, la prise en charge du deuil – et cela est d’autant plus exacerbé avec la pandémie de la Covid-19 – s’institutionnalise de plus en plus. Dans la lignée des politiques sur la fin de vie, puis des proches aidant·e·s, le deuil va-t-il faire l’objet d’une politisation dans l’espace public ?