Qu'est-ce qu'une compétence?
Une définition de la compétence
Que faut-il au juste entendre par la notion de compétence appliquée aux professions ? Elle désigne ce qui permet aux professionnel·les de s’acquitter des tâches principales de leur profession. On peut la définir, à la suite de Jacques Tardif, comme un savoir-agir complexe qui repose sur la mobilisation et la combinaison efficace d’une variété de ressources internes et externes à l’intérieur d’une famille de situations professionnelles.
Les ressources internes sont, pour le dire simplement, les ressources utiles à l’action maîtrisées par les professionnel·les et dont ils et elles peuvent faire usage, parfois au prix de certains aménagements, afin de s’acquitter d’une tâche donnée de façon efficace. Elles peuvent être des savoirs disciplinaires, procéduraux ou conditionnels (représentations abstraites de la réalité), des savoir-faire (psychomoteurs) ou des savoir-être (attitudes, postures professionnelles ayant trait à la gestion et à la mobilisation de soi dans une action professionnelle complexe).
Certaines ressources peuvent être maîtrisées ou non par les professionnel·les. La compétence suppose alors d’être en mesure de rechercher et d’utiliser des ressources que l’on ne maîtrise pas en sollicitant, par exemple, un·e collègue expérimenté·e ou bien encore le schéma d’un circuit électrique. Ce sont là les ressources externes.
Enfin, par famille de situations, il faut entendre l’idée que ce savoir-agir permet de réaliser des performances efficaces dans des situations professionnelles dont les paramètres sont proches. Ainsi, une compétence suppose un certain nombre de ressources mobilisables et combinables dans une famille de situations.
La compétence suppose par ailleurs une certaine expérience des contextes professionnels. L’expérience est en effet un élément déterminant pour une mobilisation et une combinaison efficace des ressources. Cette dimension d’expérience incorporée est d’autant plus efficace que les professionnel·les adoptent une posture réflexive sur leurs pratiques.
Ce que la compétence n’est pas
La compétence est un savoir-agir qui repose sur la mobilisation et la combinaison efficace de ressources. La compétence ne réside pas dans les ressources mais dans la mobilisation et la combinaison de ces ressources en situation. La compétence est ainsi fondamentalement dynamique et sa mise en œuvre toujours située dans la complexité de l’action professionnelle. Les ressources n’ont de valeur que mobilisées et combinées. Hors de cette mobilisation et de cette combinaison, il n’y a pas trace de compétence.
Ainsi, et ce point est clé, la compétence n’est pas un savoir. Elle n’est pas un savoir-faire non plus. Les savoir-faire désignent en effet des éléments psychomoteurs de nature limitée. Elle n’est par ailleurs pas un savoir-être. Elle est un savoir-agir mobilisant et combinant savoirs, savoir-faire et savoir-être.
Être compétent·e, c’est donc être en mesure de mettre en relation savoirs, savoir-faire et savoir-être avec les caractéristiques singulières des situations, ceci afin d’apporter une réponse ajustée et efficace aux tâches d’ampleur complexe exigées des professionnel·le. C’est là le cœur de la compétence.
L’espace de développement de la compétence
Une compétence se développe, elle ne s’acquiert pas. Cette perspective essentielle inscrit le développement des compétences dans un processus, débutant par exemple en formation, et se poursuivant durant toute la carrière professionnelle. Depuis son stade embryonnaire jusqu’à un stade d’expertise avancé, sa marge de développement est théoriquement infinie.
Sur la base de cette définition de Jacques Tardif (voir également a. Une définition de la compétence) et en réécrivant celle-ci en employant des couleurs destinées à bien distinguer ses divers éléments, il est possible d’élaborer une représentation spatiale de développement d’une compétence.
Pour ce faire, on trace 3 axes représentant respectivement :
- La complexité des ressources mobilisées (différents types de savoirs + ressources externes mobilisables)
- La complexité de la combinaison de ces ressources
- La complexité des situations dans lesquelles elles sont mises en œuvre.
Dans l’espace à 3 dimensions ainsi défini, les volumes correspondant aux cubes bleu ciel dans l’image ci-dessus représentent différents stades de développement de la compétence et peuvent être définis, en un instant t, comme la « performance » dont est capable une personne au regard du développement de cette compétence.
On notera d’une part que les volumes représentés sur le schéma sont des cubes par commodité. La compétence se développe certes dans toutes les directions, mais pas nécessairement au même rythme sur tous les axes. D’ailleurs, lorsque les ressources les plus complexes sont mobilisées par un individu, ce n’est pas forcément en parvenant à les combiner de la manière la plus élaborée possible, ou dans les situations les plus complexes. On doit donc imaginer le « volume de la performance » comme une forme globulaire qui ne croît pas uniformément dans l’espace.
Mais surtout, cette représentation permet de prendre conscience d’une caractéristique fondamentale de la compétence : comme le volume bleu, elle ne se développe que si chacune de ses dimensions croît. Si on ne développe que ses ressources et la complexité de leur mobilisation, sans lien avec aucune situation réelle, ce qui aura cru, c’est un plan d’épaisseur nulle, donc d’un volume nul.
On notera enfin que d’après cette représentation, la compétence n’est jamais « acquise » ou « détenue » par la personne chez qui, au contraire, on dira qu’elle se « développe ».
Pour chaque compétence ensuite, on devrait être capable de définir des seuils, correspondant à différents niveaux de développement, assimilés à des stades d’expertise à franchir par l’étudiant·e ; c’est ce que font notamment les « grilles critériées. Si l’on souhaitait figurer ces seuils/niveaux/stades dans la représentation graphique de l’espace de la compétence, on le ferait par le biais de formes spécifiques (sphères concentriques ou cubes) de volumes croissants.
Trois niveaux de développement d’une compétence, correspondant à trois stades d’expertise à franchir par les étudiant·es (par exemple : débutant, avancé, expert)
Exemples de compétences
Donnons des exemples de compétences. Dans le domaine des soins infirmiers, construire, avec la clientèle, une relation professionnelle dans la perspective du projet de soin. Dans le domaine de l’ingénierie, piloter un système de production et réagir aux dysfonctionnements. Dans le domaine de la pédagogie, accompagner les étudiant-es dans leurs apprentissages. Ces exemples montrent que la compétence, c’est ce qui permet de donner une réponse efficace à une tâche professionnelle d’ampleur.
Allons plus en détails dans la compétence accompagner les étudiant·es dans leurs apprentissages, tirée du référentiel de compétence de l’enseigant·e HES-SO. Elle se réfère aux situations où l’enseignant·e est amené·e à accompagner des étudiant·es. Être compétent·e suppose ici un ensemble de ressources. Du côté des savoirs, on peut par exemple citer la connaissance des apports de la réflexivité dans la régulation des apprentissages, des différentes techniques d’entretien et des effets de ces différentes techniques sur l’interlocuteur, ou bien encore des caractéristiques particulières d’une posture d’accompagnement en pédagogie. Du côté des savoir-faire, on peut par exemple citer la maîtrise des différentes techniques d’entretien. Enfin, du côté des savoir-être, on peut citer la gestion des émotions ou bien encore agir avec bienveillance.
Afin d’être en mesure de mobiliser et de combiner ces ressources, l’enseignant·e doit porter attention à la complexité de la situation singulière. L’expérience est ici une élément-clé. Il ou elle doit, par exemple, avoir connaissance des manières de faire en vigueur dans son institution ou bien encore des différents acteurs participant à la formation de l’étudiant·e. Cette expérience lui permettra par ailleurs de saisir certains indices.
Maîtriser ces savoirs et posséder cette expérience sont un préalable à la compétence mais ils ne sont pas encore la compétence. L’enseignant·e devra, pour un·e étudiant·e donné·e, dans son institution et pour une activité d’apprentissage précise, mobiliser et combiner à-propos les ressources pertinentes pour l’accompagner dans son processus d’apprentissage.
On voit ici toute la complexité de la compétence : elle implique une attention à une situation singulière, elle suppose des choix de la part du ou de la professionnel·le et elle exige de s’appuyer sur différentes sortes de ressources.
Notion de « référentiel de compétences »
Un référentiel de compétences contient les principales compétences nécessaires à l’exercice d’une profession. Il est utilisé à des fins de formation ou d’évaluation. Une entrée par le référentiel de compétences évite de donner une trop grande place aux savoirs disciplinaires dans la formation. Il introduit en effet, dans la formation des futur·es professionnel·les, une perspective pragmatique en lien direct avec les caractéristiques de la profession.
Un référentiel de compétence contient l’ensemble des compétences que les professionnel·les doivent développer pour être en mesure d'effectuer les tâches complexes qui font le cœur de la profession. Chaque compétence du référentiel se réfère à une tâche donnée et couvre l’entièreté de l’activité qu’elle suppose de la part des professionnel·es. Les compétences du référentiel doivent par ailleurs être mutuellement exclusives. Un référentiel de compétence doit contenir un petit nombre de compétences pour être utile. En partant des tâches complexes de grande ampleur qui font la profession, on arrive généralement à ne pas dépasser la dizaine de compétences.
Dans le travail de conception de tout référentiel de compétences, il est recommandé d’impliquer, d’une manière ou d’une autre, des acteurs qui ont un lien étroit avec la profession, ceci afin d’assurer une connexion étroite entre formation et futurs employeurs (p.ex. association professionnelle, alumnis...).