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Regards croisés sur l’application des mesures de protection de la grossesse au travail : entre dispositifs légaux et expériences des différentes parties prenantes

Santé

Alessia Abderhalden-Zellweger

La présente thèse a été conduite dans le cadre d’un projet interdisciplinaire plus vaste investiguant la protection de la maternité au travail (recherche financée par le FNS : 2017-2020). Le projet a été conduit par la Haute École de Santé Vaud (HESAV), HES-SO, en collaboration avec le Centre universitaire de médecine générale et santé publique (Unisanté).

Mme Abderhalden-Zellweger a obtenu son doctorat en Sciences de la vie en octobre 2020.

Travailler en étant enceinte concerne aujourd’hui la majorité des femmes. L’exercice d’une activité professionnelle ne présente pas de risques en soi pour la grossesse. Cependant, des expositions spécifiques sur le lieu de travail d’ordre physique, chimique et biologique peuvent affecter négativement la santé des femmes et leur bien-être au travail (p.ex. pré-éclampsie, hypertension gravidique, lombalgies) les issues de grossesse (p.ex. fausses-couches, enfants prématurés et petits pour l’âge gestationnel) et le développement de l'enfant (p.ex. malformations, développement cognitif). L’impact de certaines activités professionnelles dangereuses ou pénibles (p.ex. horaires contraignants, travail de nuit) et du stress a été également relevé.

Les dispositions juridiques de protection de la maternité (Loi sur le travail et ses ordonnances, Ordonnance sur la protection de la maternité) qui visent à protéger la santé des travailleuses enceintes et de leurs enfants à naître, tout en leur permettant de poursuivre leur activité professionnelle, connaissent des lacunes importantes dans leur application tant dans les entreprises et que dans le système de santé.

En alliant des données quantitatives et qualitatives, cette thèse visait à : 1) acquérir des connaissances sur le degré d’application de la législation par les gynécologues et dans les entreprises établies en Suisse romande ; 2) identifier les obstacles et les appuis à l’application de ces mesures de protection ; 3) comprendre comment les différents acteurs impliqués dans la protection des collaboratrices enceintes et les femmes ayant vécu une grossesse en cours d’emploi perçoivent et appliquent ces mesures de protection.

Les résultats montrent que l’application lacunaire de la législation en matière de protection de la grossesse au travail par les gynécologues et dans les entreprises interrogées témoigne d'un nombre important de femmes qui ne bénéficie pas des mesures protectrices dont elles auraient droit. Dans une perspective d’amélioration des connaissances et des pratiques, la présente thèse propose des pistes de réflexion sur les difficultés et les limites des politiques de protection actuelles. Notamment, les résultats montrent que la protection de la grossesse au travail serait favorisée par des politiques d’entreprise préventives (p. ex. des procédures établies, une analyse de risques) et qui intègrent l’expérience des travailleuses et leurs connaissances du terrain. La prise en charge d’une grossesse (plus généralement de la maternité et la paternité) devrait être considérée comme une responsabilité des entreprises et de la société et non comme un événement d’ordre privé à la charge de la travailleuse. Enfin, au vu des lacunes mises en évidence sur plusieurs niveaux d’analyse, une amélioration de la protection des travailleuses enceintes ne peut se faire qu’en intégrant une perspective systémique et en s’appuyant sur des alliances entre les différentes parties prenantes.